Réflexions et analyses

Améliorer ses relations : le triangle de Karpman

Le triangle de Karpman permet de comprendre quasi toutes les discussions qui dégénèrent...

Des relations un peu tendues, on en a tous déjà connu.
En 1968, un psychologue, du nom de Karpman (oui, c’est pas très facile à prononcer, répétez après moi « KAR-P-MAN », voilààààà ! vous voyez bien que vous y arrivez !) a découvert qu’on pouvait modéliser presque toutes les relations tendues par un triangle : le triangle dit de…
de… Karpman ! (heureusement qu’il y en a qui suivent au fond !).
Et chose incroyable, ça marche partout : dans les relations de couples, entre amis, au bureau…

En fait, pas mal de conflits pourraient être évités si on connaissait tous le triangle de Karpman…

Karpman a découvert qu’on avait tous tendance, quand on est avec d’autres, à se mettre à jouer un rôle, comme au théâtre. Sauf que dans ce théâtre-là, un peu comme chez Guignol, il y a peu de rôles disponibles. Il n’y en a que 3 :

  • le rôle du sauveur
  • le rôle de la victime
  • le rôle du persécuteur

Et il suffit que quelqu’un se mette à jouer un de ces rôles, pour que la pièce se lance. C’est automatique : l’autre ou les autres soient entraînés à jouer un des deux autres rôles. Et une fois qu’on a commencé, ça s’enchaîne…

On endosse ce rôle quand on apporte de l’aide à quelqu’un sans que cette personne nous l’aie demandé. Et si on est honnête, on a tellement envie de donner des conseils :

  • quand l’autre nous raconte quelque chose et qu’on pense qu’on a vécu un truc qui est hyper important à lui dire pour lui éviter un problème. SPOILER ALERT, elle n’a rien demandé…
  • quand l’autre se plaint : SPOILER ALERT, elle NE DEMANDE PAS d’aide.
  • quand on voit quelqu’un qui a du mal : SPOILER ALERT, elle NE DEMANDE PAS d’aide.

Être un sauveur, c’est un rôle gratifiant. Quand nous nous mettons dans ce rôle, nous sentons utile – et des fois, ca nous évite de penser à nos préoccupations personnelles.

Exemples de phrase type : «Laisse, je vais faire.», «Si j’étais toi, je ferais…»

Le problème, c’est que les autres n’ont pas forcément demandé ces conseils. Et cela peut devenir étouffant pour les autres, et on met la personne en situation de dépendance de nous.

On endosse ce rôle quand on se plaint sans chercher de solution. Et, à nouveau, si on est honnête, qui n’a pas exagéré une situation pour avoir du soutien ou de la reconnaissance ?

Être une victime, c’est un rôle agréable parce qu’on se sent écouté, aidé.

Exemples de phrase type : «Je dois toujours …», «Oui, mais …»,

Le problème, c’est qu’on place la personne en face de nous soit en situation de sauveur (elle va essayer de nous aider), soit en situation de persécuteur (c’est à cause d’elle que…)

On endosse ce rôle quand on donne des leçons aux autres, ou les juge :

  • on râle parce qu’on voit quelque chose de mal fait
  • on fait un commentaire ironique
  • on critique

Le persécuteur peut être

  • un « sauveur » déçu (il ou elle a donné des conseils et cette personnes ne les a pas appliqué, par exemple) qui, ne sachant plus comment s’y prendre, emploie la manière forte
  • ou une « victime » qui a décidé de se protéger
  • mais ça peut aussi être un élément extérieur à la situation (une personne qui n’est pas là, la vie, l’univers, la voiture…)

Exemples de phrase type : «Tu pourrais quand même…» «Tu pas encore oublié»

On reconnait qu’on entre dans ce rôle quand on commence à généraliser des reproches, qu’on utilise des superlatifs, qu’on affirme sans preuve.

On pousse l’autre à adopter un rôle de victime.

  • De 1 à plusieurs : On peut jouer seul, à deux ou à plus (on va voir des exemples ensuite)
  • Inconscient : évidemment, personne n’a conscience de jouer un rôle
  • Les rôles tournent : on peut successivement être sauveur, victime persécuteur
  • On joue tous les rôles : on peut avoir un rôle préféré mais, c’est sûr, on a tous joué au moins une fois dans notre vie les 3 rôles (oui, oui, oui…)
  • Tous les rôles sont égoïstes : et même si on a l’impression que dans ces 3 rôles, le seul rôle noble qu’on a envie de jouer est celui du sauveur. Et bien on va voir qu’il n’est pas plus noble que les autres…

Pour mieux comprendre, voyons quelques exemples :

Prenons 3 salariés d’une même équipe : Mathieu, Sophie et Richard. Ils travaillent tous les trois sur un gros dossier client.
Sophie se plaint à Richard : « Mathieu n’a toujours pas fini sa partie. Je ne vais pas pouvoir finir le dossier à temps. » (Sophie se met en position de victime, et Mathieu en position de persécuteur)
Richard répond : « Je m’en charge, je vais aller lui parler. » (position de sauveur)
Richard va voir Mathieu : « Sophie m’a dit que tu n’avais pas fini ton dossier ? Tu sais que tu mets tout le monde en retard. A cause de toi, on va rater un gros client ! » (position de persécuteur)
Mathieu ne répond pas mais, quand il croise Sophie, il lui dit :« A cause de toi, j’ai pris un savon de Richard ! » (position de victime, il met Richard et Sophie en position de persécuteur)

Vous voyez ? Les rôles tournent ! Et ca pourrait durer encore longtemps…

A la maison, le triangle de Karpman peut se jouer à deux.
Le mari rentre vers 20h30. Sa femme l’attend, énervée. Elle aurait voulu passer du temps avec lui.
La femme : »Tu rentres toujours tard ! (position de persécuteur) C’est vraiment pas cool pour moi ! » (position de victime)
Le mari : « Franchement, c’est agréable de se faire recevoir comme ça quand on rentre à la maison ! (position de persécuteur) Surtout que je si j’arrive en retard, c’est à cause du train, ça a été horrible. Le train précédent a été annulé, c’était bondé, les gens étaient super énervés ! » (position de victime, le persécuteur c’est le train et les autres dans le train)

Vous la voyez la situation en grain de dégénérer ?😁

Voici une dernière situation qui montre qu’on peut, tour à tour, endosser les trois rôles, même dans notre tête !

Mathis a du mal à faire un tableau excel que Céline lui a demandé de faire.
Céline lui propose de le faire à sa place (position de sauveur). Dans sa tête, elle se dit : »Le pauvre, il ne réussit pas à faire ce tableau excel. Peut-être que je lui en demande trop ? Je vais le faire à sa place. Ca ira plus vite. (position de sauveur). Mais quand même, ce Mathis, il n’est pas très bon : cela fait la troisième fois que je lui montre et il ne sait toujours pas faire ce tableau ! (position de persécuteur) Et sur qui ca retombe à chaque fois, hein ? Bibi ! C’est toujours moi qui m’y colle, comme si je n’avais que ca à faire ! Et tu crois que les autres me proposeraient leur aide ? Ou même qu’on remarque tout ce que je fais pour la boîte (position de victime) »

Osez dire que ce type de dialogue intérieur ne vous est jamais arrivé…😁

Ce qui est fascinant, c’est que, dès que quelqu’un entre dans le triangle, tout le monde se met à jouer les 3 rôles et c’est très difficile d’en sortir.

C’est très difficile, parce que chacun y trouve un intérêt :

  • quand on est dans la position de victime, on attire l’attention sur soi,
  • quand on est dans la position de sauveur, on se sent utile,
  • et quand on est dans la position de persécuteur, on a l’impression d’avoir du pouvoir sur les autres.

Chacun d’entre nous peut enfiler au cours de sa vie, et même au cours d’une seule journée, plusieurs fois les costumes de victime, de persécuteur et de sauveur.
C’est une énergie gaspillée bêtement.

La bonne nouvelle, c’est qu’on peut sortir de ce triangle, voire même éviter d’y entrer. Pour cela, il y a deux outils :

  1. apprendre à reconnaître le triangle : c’est important de reconnaître quand quelqu’un ou soi-même commence à jouer un rôle. C’est aussi utile de savoir repérer notre tendance personnelle (par quel rôle on peut lancer un triangle assez naturellement).
  2. apprendre le triangle TED, qui est l’antidote

Un truc qui peut vous mettre la puce à l’oreille, déjà, c’est quand vous entendez des mots comme « toujours », « jamais », « encore ». Ces mots sont le signe que la conversation dérape ou va déraper…

Ensuite, on peut s’observer soi. Parce qu’on ne peut pas changer les autres. Mais on peut se changer soi.
Alors si, au cours d’une conversation, on sent une irrépressible envie de :

  • donner une leçon ou de juger l’autre, parce que, nous, « on sait », c’est qu’on est en train de se placer dans le rôle de persécuteur 😈.
  • vouloir aider, alors même que l’autre ne nous l’a pas demandé, parce qu’on a vu une injustice ou quelqu’un qui semble en état de faiblesse ➜ on est en train de se placer dans le rôle de sauveur 🦸‍♂️.
  • nous plaindre ➜ on est en train de se placer dans le rôle de victime 🥺.

Ce n’est pas toujours facile de s’en apercevoir sur le vif. On peut essayer aussi de reconnaître, après une conversation, quels rôles ont été joués.
Ou, au calme, repérer dans des situations déjà vécues :

  • un contexte typique qui peut déclencher chez vous un des rôles
  • ou une phrase ou le comportement déclencheur qui démarre le jeu…

OK. Vous avez repéré que vous entriez dans un triangle. Une lumière rouge s’allume dans votre esprit🚨. Que devez-vous faire alors ?

The Power of TED (The Empowement Dynamic) de David Emerald apporte une solution pour sortir de ce triangle dramatique de Karpman.
Il l’a aussi traduit sous forme de triangle… mais inversé. Au lieu d’être concentré sur le problème, ce deuxième triangle est concentré sur la solution.

Chaque rôle change :

  • la victime devient Créateur : le problème de la victime dans le triangle de Karpman, c’est qu’elle refuse toute responsabilité dans la situation et ne cherche pas de solution. Pour sortir du triangle de Karpman, si on repère qu’on s’est mis dans une position de victime, on peut décider de reprendre le pouvoir sur ses choix et se focaliser sur les résultats plutôt que sur les problèmes. Cela signifie apprendre à identifier ses besoins, formuler de vrais demandes, mettre ses limites.
  • Le sauveur devient Coach : si on repère qu’on s’est mis en position de sauveur, on peut passer en mode questions. Quand on est en position de sauveur, on pense à la place de la victime parce qu’on croit savoir ce qui est le mieux pour elle. On est concentré sur le problème qu’elle vit. En mode coach, on se dit que la personne est capable de résoudre ses problèmes. On est concentré sur les solutions que la personne a en elle. Au lieu de faire à sa place ou lui donner des conseils, on peut simplement poser des questions qui l’aider à se concentrer sur ce qu’il ou elle veut au lieu de ce qu’il ou elle ne veut pas. Et donc on va l’aider à faire les bons choix, tout.e seul.e.
  • Le persécuteur devient Challenger : si on repère que, dans une conversation, on prend le rôle de persécuteur, on peut faire un pas de côté et se dire qu’on est tous différents et que l’autre est sans doute meilleur que nous dans d’autres domaines. En devenant un challenger, on accepte la différence, on comprend qu’on peut avoir des visions différentes des choses, des atouts différents. Le challenger va apporter sa contribution, aider l’autre à grandir plutôt que montrer sa supériorité. De la même manière que dans les autres rôles, au lieu d’être concentré sur le problème (qui nous rend supérieur), on se concentre sur la solution (qu’est-ce qu’on va pouvoir apporter pour contribuer à la solution).

Voilà ! Depuis que j’ai découvert ce triangle, je le repère souvent dans les conversations. Et, récemment, j’ai même réussi à anticiper une de mes réactions, où j’ai failli lancer un triangle, comme une grande.😁
Bon, je ne repère pas toujours, et c’est plus facile de repérer chez les autres (évidemment). Et je ne réussis pas non plus à en sortir. Mais je pense que c’est intéressant de commencer à s’en rendre compte. C’est le début de la solution.

Et vous, qu’en pensez-vous ? Connaissiez-vous ? Avez-vous des trucs à partager ?

Pour aller plus loin : deux vidéos très intéressantes

À propos Valérie

Je m’appelle Valérie, je suis mariée, mère de 3 enfants, et entrepreneure. J’ai co-fondé WeNow, une start-up qui vise à réduire l’impact des déplacements en voiture sur la planète. Pour en savoir plus sur cette aventure : wwww.wenow.com Multi-passionnée, je m’intéresse en particulier à la pédagogie, au développement personnel et à tout ce qui touche aux sciences comportementales ou aux travaux sur le cerveau. Fin novembre 2018, j’ai suivi le forum « Wake up, ou comment arrêter de vivre sa vie à moitié endormie ». J’ai décidé que je voulais vivre une année extraordinaire. Pour cela, je pose des actes à la hauteur de mes ambitions, pour être « le changement que je veux voir dans le monde » comme le suggérait Gandhi.

4 comments on “Améliorer ses relations : le triangle de Karpman

  1. Brillant ! Je ne connaissais pas ces deux triangles et leur puissance explicative s’impose. Merci de cette superbe démonstration !

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  2. Nicolas Moret

    Bonjour Valérie
    Dans le paragraphe 2 c’est être une victime qui est un rôle agréable. Pas sauveur (déjà traité au dessus)..

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