La motivation, ah, la motivation !
Quel sujet mystérieux.
Pourquoi un enfant peut-il recommencer des heures une partie de jeu vidéo pour s’améliorer et passer au niveau supérieur…
… alors qu’il va traîner les pieds pour faire un seul devoir ?
Comprendre ce qui motive
J’adore observer mes enfants, comprendre ce qui marche ou ne marche pas, et essayer en déduire des outils pour les aider.
La semaine dernière, j’ai été étonnée par l’un d’entre eux.
Celui-ci n’aime pas faire d’effort plus que ce qu’il estime nécessaire. Par exemple, il va toujours essayer de prendre le minimum de temps pour ses devoirs, minimum qui devrait suffire pour une note « correcte« . Il part du principe qu’il veut toujours être sûr qu’il n’a pas « trop » travaillé par rapport au résultat qu’il a. Bref : efficacité à tout prix.
Sur un plan, il a raison. On parle beaucoup du 20/80. 20% du temps que nous passons amène 80% du résultat. En revanche, les 20% suivants risquent de prendre beaucoup plus de temps.
Malheureusement, avec ce calcul,
- il nivelle ses résultats vers le bas;
- il ne s’habitue pas à fournir des efforts. Or, au fur et à mesure de la progression dans les niveaux scolaires, les exigences augmentent;
- et à chaque fois qu’il fait un effort supplémentaire, il ne supporte plus avoir une mauvaise note. Cette mauvaise note vient confirmer son a-priori « cela ne sert à rien de travailler plus. »
Et puis, la semaine dernière, changement🧐.
Il a eu envie d’avoir une bonne note à son oral d’anglais.
Il s’est mis à travailler.
Il a accepté de travailler un plan, au brouillon.
Il a accepté de s’entrainer à l’oral.
Il a accepté de modifier des phrases. De répéter, répéter, répéter.
Dit comme cela, cela ne parait pas un effort énorme. Mais je peux vous assurer que par rapport à son habitude personnelle, chacune des ces étapes représentaient pour lui un effort monumental.
En s’entrainant, il a amélioré
- sa prononciation
- son texte
- son aisance et il a pris de l’assurance.
Résultat : la prof a été bluffée, et elle a eu l’intelligence de le féliciter. Il est rentré à la maison, gonflé à bloc 🎉.
Expliciter les attentes, pas la méthode
Alors que s’est-il passé ? Qu’est-ce qui a généré ce changement radical de position ?
Je suis revenue en arrière sur cette expérience pour essayer de comprendre ce qui s’était passé.
Mon objectif, bien sûr, est de trouver comment répéter cette expérience satisfaisante
- pour lui – car le bénéfice d’être félicité par la prof est immense –
- et pour nous – car il est rayonnant… et nous n’avons pas besoin de lui demander de travailler.
En y réfléchissant, je me suis souvenue qu’au début de l’année, j’avais en tête de le faire progresser en anglais.
Pour cela, j’avais décidé de demander à une jeune fille bilingue en anglais de discuter chaque semaine 1 heure avec lui.
Bon, autant dire que cette idée ne lui a pas plu du tout. Il s’est bloqué. Nous en avons âprement discuté.
De guerre lasse, à la fin de cette discussion, je lui ai dit
« OK : je comprends que tu ne veux pas te faire imposer de méthode pour obtenir de bonnes notes. En revanche, j’ai besoin de savoir que tu fais en sorte d’obtenir de bonnes notes en anglais cette année. Tu choisis ta méthode. Cela te convient-il ? »
Sur le moment, cela ne lui a pas plu non plus. Car il avait l’impression que c’était du chantage. Que s’il avait accepté ma proposition initiale, il n’aurait eu aucune obligation d’avoir des bonnes notes…
Mais cela a fait son chemin. Et il a DECIDE de lui-même ce qu’il voulait faire. Qu’il voulait me montrer qu’il POUVAIT avoir des bonnes notes.
J’avais donc fait une erreur : imposer MA méthode. Il préférait en réalité que je lui explicite mon attente. Charge à lui de s’y conformer. Et il s’est pris au jeu.
Comme si on déléguait…
En fait, c’est exactement la même chose que lorsqu’on veut déléguer une tâche à un collaborateur.
Quand on attend un bon comportement/ des bonnes notes de ses enfants, c’est un peu comme si on leur déléguait une tâche… sans avoir vraiment verbalisé cette attente.
Souvent d’ailleurs les attentes sont immenses, car elles sont augmentées de tout ce qu’on aurait voulu bien faire nous. Ou de toutes les déceptions ou les épreuves que nous avons vécues que nous voudrions épargner à notre enfant. Mais notre enfant n’est pas nous.
Or, lorsqu’on délègue une tâche, il est totalement inutile – et même contre-productif – de détailler la méthode pour atteindre le résultat, comme si c’est NOUS qui devions faire la tâche.
Aucune motivation ne viendra jamais de l’utilisation d’un mode d’emploi. Si on délègue une tâche en explicitant en détail toutes les étapes à réaliser, on tue le désir de la personne. On bloque sa réflexion et elle ne saura pas s’adapter à une situation qu’elle n’a pas forcément comprise ou acceptée. Il faut au contraire garder un certain “mystère” autour de la tâche à réaliser.
Les règles d’une bonne délégation peuvent, de mon point de vue, tout à faire être applicables dans ce contrat que nous passons avec nos enfants :
1/ faire confiance à la personne à qui on délègue et être prêt à assumer les risques éventuels d’échecs
-> Avoir VRAIMENT confiance en son enfant, dans sa capacité et dans sa volonté de bien faire. Avoir confiance dans les valeurs qu’on lui a transmises : notre enfant est capable de mettre de lui-même des limites, se souvenant de ce que nous lui avons appris. Pas besoin non plus d’imaginer tout de suite les dérives possibles : prendre du recul et laisser une chance à son enfant de nous prouver qu’on peut lui faire confiance.
3/ Décrire le résultat attendu et seulement le résultat attendu
-> Expliciter son attente auprès de son enfant. En étant le plus explicite possible. Cela permet aussi de se poser la question à soi de nos objectifs et de pouvoir vérifier s’ils sont vraiment si importants. Intéressant de savoir ce qu’on souhaite et pourquoi. On oublie souvent de se poser la question.
3/ Fixer une échéance atteignable et faire des points réguliers
-> Penser à donner des éléments de mesure du résultat. Fixer une date permet de se revoir pour identifier si le résultat est atteint ou non.
Prévoir lors de la définition du résultat à atteindre des RDV réguliers pour faire le point d’avancement et pouvoir identifier les besoins, les problèmes auquel l’enfant est confronté. Ou bien juste faire état de ce qui se passe bien.
4/ Laisser la personne autonome mais rester en permanence à l’écoute
-> Ne pas contrôler ou être sur son dos en permanence. En revanche bien montrer qu’il peut nous poser des questions et qu’il ne sera pas jugé.
5/ Mettre à disposition les ressources requises
–> Discuter avec lui des différentes ressources à sa disposition et lui permettre d’y accéder.
En effet il doit faire les efforts d’abord pour lui et donc chercher ce que cela peut lui apporter à terme (pas forcément les bonnes notes cette année, à plus long terme : une nécessité dans le monde du travail pour plus tard, des facilités pour voyager, comprendre les paroles des chansons qu ils apprécient, (il peut habituer son oreille en regarder des séries en vo) etc…
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