« Mais pourquoi faut-il que je dise que j’aime ce cadeau alors que je ne l’aime pas ? Ce n’est pas la vérité. Or tu me dis toujours qu’il faut dire la vérité…«
N’avez-vous jamais eu ce type de conversation avec vos enfants ?
Faut-il dire à tout prix la vérité – au risque de blesser quelqu’un – ou pas ?
En tant que parent, je me suis souvent laissée piéger par cette question.
Parce que je ne savais pas trop quoi répondre.
Quel que soit la réponse que je donnais, je me sentais piégée.
Piégée si je disais qu’il faut éviter de faire mal à quelqu’un. Dans ce cas, mon enfant, triomphant me renvoyait dans mes buts « Alors, on n’est pas obligé de dire toujours la vérité, hein ? ».
Piégée si je privilégiais la vérité. Parce que dans ce cas, je laissais mon enfant faire de la peine à quelqu’un.
Ce matin, en lisant un texte de Hélène Bonhomme sur le site des Fabuleuses au Foyer*, j’ai eu une révélation : les deux ne s’excluent pas. On peut dire la vérité sans faire de peine.
Cela dépend ce sur quoi on porte son attention.
En fait, il y a une distinction fondamentale entre :
- la joie qu’on ressent (« ce cadeau me plait« )
- et la gratitude qu’on ressent (« c’est génial qu’il ait pensé à moi »)
Ce sont deux types de « cadeaux » qu’on reçoit. Mais qu’on ne ressent pas forcément au même niveau.
En réalité, le premier, le plaisir, est plutôt de l’ordre des émotions. C’est le premier sentiment qui vient tout seul, naturellement.
Le deuxième, la gratitude, est plus intellectuel. Mais tout aussi bon. Car penser à tout ce qu’une personne a fait pour soi, le temps qu’elle a passé en pensant à nous est extraordinaire.
Ce deuxième cadeau, il s’apprivoise, il se construit. Contrairement au premier.
On dit d’ailleurs qu’on peut muscler la gratitude en s’entrainant à voir tout ce qu’on a la chance d’avoir. Ce qu’on a de positif qu’on ne valorise plus.
C’est le principe des exercices tels que les 3 kifs par jour.
Le plaisir et la gratitude, c’est un peu comme le chocolat.
Quand les enfants sont jeunes, ils apprécient le chocolat peu amer, sucré. Car le goût est facile, et le plaisir immédiat.
Puis quand on grandit, ou qu’on suit une formation sur le chocolat, qu’on éduque son goût, on apprend à apprécier des chocolats plus amers, plus corsés.
Et bien, le plaisir est un peu le premier niveau, accessible à tous, comme le chocolat sucré. Il faut un peu plus travailler et s’entrainer pour passer au second niveau, comme le chocolat plus amer. Mais quel plaisir quand on sait apprécier ce second niveau !
« L’être humain, c’est comme ça, a tendance à se lasser des objets, des situations, des gens… S’exercer à la gratitude est un merveilleux moyen de réaliser que la vraie valeur de la vie n’est pas dans ce que l’on possède, mais dans notre capacité à s’émerveiller de ce que l’on possède (cf. le niveau de bonheur d’habitants de certains pays qui vivent beaucoup plus heureux que nous, avec beaucoup moins de possessions que nous !) » nous rappelle Hélène Bonhomme dans son texte.
Si je reviens à mon histoire de cadeau, on peut ne pas apprécier le cadeau lui-même (il ne nous fait aucun « plaisir ») mais on peut s’entrainer à voir et apprécier le cadeau que l’autre nous a fait en nous dédiant de son temps et de son attention.
Dans ce cas-là, sans mentir, on peut passer sous silence que le cadeau ne nous plait pas et mettre l’accent sur la gratitude qu’on éprouve.
Je ne sais pas vous, mais je trouve cet éclairage très instructif et m’en vais de ce pas en discuter avec mes ados 🙂
*Je vous recommande le site des Fabuleuses au Foyer. Un site animé par un petit collectif de femmes qui publient tous les jours des textes qui parlent de leur quotidien de maman, « en vrai ». Vous savez, pas ce quotidien magnifié des pages de magazines. Le vrai quotidien, avec son lot de joies, mais aussi de peines, de doutes, de désespoirs. Leurs textes aident à lâcher prise avec l’injonction d’être une mère parfaite, à accepter son imperfection, et prendre soin de soi. Si ce site est surtout tourné vers les « mamans » qui cherchent à être des mères parfaites, les papas peuvent y faire également beaucoup de découvertes. Et si vous le souhaitez, vous pouvez vous abonner à leur newsletter et recevoir, tous les matins, un petit texte, philosophique, un billet d’humeur, une histoire d’une autre maman toujours rédigé avec beaucoup d’humour et de poésie.
0 comments on “Faut-il apprendre à nos enfants à mentir pour ne pas faire de peine à quelqu’un ?”